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L'interview du mois : Maevol


Au lendemain de la journée internationale des droits de la femme, nous avons rencontré Maevol, DJ nîmoise éprise de hip-hop et de bass-music qui prend plaisir à faire trembler les murs des salles qui l'accueillent avec des sets trap énergiques. A cette occasion nous sommes revenus sur son parcours, sur ses nombreuses influences et sur la place de la femme dans le hip-hop.



Comment tu es arrivée dans la musique ?


C’était assez inattendu que j’arrive dans la musique. J’ai toujours aimé ça, j’ai été bercée par la musique, de la folk, du rock, de la chanson française, principalement Bashung, Cabrel, Gainsbourg, Maxime Le Forestier. J’ai de très bons souvenirs là-dessus. J’ai fait du piano pendant 12 ans, et puis finalement ça s’est perdu un petit peu la musique, c’est devenu un hobby. Je pratiquais plus comme à l’époque où je faisais du piano. Finalement, je suis devenue une diggeuse. J’ai beaucoup écouté du hip-hop US, de la dubstep, de la techno, de la grime… Principalement tout ce qui sort d’Angleterre et des Pays Bas. J’ai développé une grosse culture underground, au point qu’en tant que diggeuse, je me refuse à écouter les trucs mainstream. Le Top Tendances par exemple je le fuis, ça me fait gerber. Tout se ressemble. C’est plus de l’art mais du business. Et c’est comme dans tout dans la vie : les gens vont à la facilité donc ils cautionnent du vide. Ça leur évite de penser.


A quel moment tu t'es retrouvée à refaire de la musique ?


C’est le street-art qui m’y a ramenée. Je suis arrivée au Spot alors que le projet se montait et j’ai décidé de mettre mon expertise de l’écriture, c’est mon métier, au profit des artistes qui étaient au Spot pour vraiment les mettre en valeur. L’asso’ avait aussi des besoins en terme de communication, pour faire connaître le lieu et le projet, je suis donc devenue responsable de com’ pour le Spot et c’est comme ça que j’ai pu suivre le processus de création des artistes. De cette expérience, j’ai su que c’était dans la culture que je voulais travailler. Plus précisément dans la culture urbaine. Au-delà du processus créatif, ce qui m’intéresse aussi c’est comment l’artiste dépasse les contraintes sociales par le biais de l’art. Et après cette période qui a duré un an, je suis arrivée dans les locaux de Raje…


Dans ta biographie on peut lire que tu as animé une émission radio sur Raje, tu peux nous présenter le concept ?


J’ai eu l’opportunité d’avoir la case de Dtweezer qui travaillait sur Raje et qui était managé par une pote à moi à l’époque. Il nous a dit : « les filles, je lâche ma case si ça vous intéresse de faire une émission ». Et de là on a crée « La cerise sur le Gâteau ». C’était une émission dédiée à la musique hip-hop nouvelle génération. Ça me permettait de défendre des petits artistes qui n’avaient pas assez d’exposition en plus de mettre en lumière un hip-hop que je trouvais mal représenté dans la presse spécialisée. J’ai fait un focus sur Tommy Genesis, sur Jorrdee, sur Ikaz à l’époque où ils commençaient à peine à se faire connaître… J’ai essayé d’aborder tous les sujets avec le ventre, je voulais traduire ce que je ressens quand j’écoute ces artistes. Ça me plaisait aussi d’aborder le côté hybride du hip hop. Je trouve ça merveilleux, c’est hallucinant parce que le rap aujourd’hui se rapproche de plus en plus des autres genres, variétés, rock, pop… Peu après avoir commencé l’émission, Dtweezer nous a dit qu’il était temps qu’on se mette au mix, et c’est comme ça que je suis devenue DJ.




Dans toute cette hybridation quel serait ton artiste référence ? Quelles sont tes influences ?


Avant d’arriver au rap, j’étais très fan de The Prodigy, Chemical Brothers, Die Antwoord, Dizzie Rascall… des groupes qui mêlent plusieurs genres, et où les textes ne sont pas chantés. En ce qui concerne le rap, mon artiste français de référence c’est VALD, je pourrais écouter que lui toute la journée. J’ai eu la chance de le rencontrer et de bosser d’une façon très particulière sur Agartha. Ça a été vraiment une expérience de fou. A part TTC dont j’étais totalement fan j’avais peu écouté de rap français. En fait, j’avais arrêté d’en écouter quand je n’ai plus compris ce qu’ils disaient. Il y avait une façon de prononcer, de cracher le texte que je trouvais agressive, et qui ne me touchait pas à l’époque. Aujourd’hui, on revient davantage aux textes, à la technique, et surtout aux émotions. On a surtout éclaté les barrières. Je suis donc revenue au rap grâce à tous les artistes qui l’exportaient sur d’autres terrains. On commence à honorer les gens qui essaient, d’où que tu viennes, quel que soit ton background, ta couleur de peau, ton genre, je crois vraiment qu’il y a une ouverture des esprits et des usages qui est positive. Quand je vois Travis Scott par exemple, il a initié un retour du rap doux, comme Bryson Tiller ou Franck Ocean. On chante les femmes, on chante l’amour, on chante la douceur, on chante le sexe aussi. Avant on chantait le porno, là on touche à la sensualité.


Comment tu es « passée à la trap » ?


Je pense que c’est plus les producteurs qui m’ont fait accrocher avec la trap. J’ai eu une grosse période Akeda , Zagor et Ikaz Boi (j’ai énormément écouté Ketamine Trap), Myth Syzer aussi. Mais Myth Syzer paradoxalement je l’écoute plus aujourd’hui qu’à l’époque. Je l’ai découvert avec Bonnie Banane sur le featuring Bonbon à la Menthe en fait, et j’aime sa façon de faire sonner le R’n’B. Après j’ai pris une grosse claque aussi avec Danny Seth, Derek Wise, Night Lovell que j’ai poncé de ouf. Je crois que c’est aussi le Canada qui m’a ramenée à la trap, avec Kaytranada forcément. Son premier album, « Kaytra to do » je l’ai surponcé. Je suis passée à la trap comme tu dis par son côté expérimental. Quand j’y réfléchis, le lien entre ce que j’ai pu écouter avant et ce que j’écoute aujourd’hui, c’est le sub. C’était évident que j’arrive à aimer la trap en fait.



« La musique c’est comme la bouffe, forcément les gens préfèrent aller au macdo qu'au petit bistrot du coin qui fait du bio. »




La scène féminine hip-hop est en plein boom, que ce soit en France avec Lala &ce, Starline, KT Gorique... ou à l’étranger avec Princess Nokia, Tommy Genesis... Comment tu expliques que cette scène se développe autant maintenant, et si peu auparavant?


Au niveau sociétal je trouve qu’on arrive à l’épuisement du genre. La vie fait que les femmes ont de plus en plus de place dans la société, qu’on les voit de plus en plus, qu’elles ne se cachent plus. Elles sont légitimes pour rentrer dans le milieu et c’est ça qui m’a réconciliée aussi avec le milieu du hip-hop. En tant que journaliste je n’ai jamais eu de problèmes genre « t’es une meuf, tu sais pas ce que tu dis ». Ils le pensent peut-être mais ils ne le disent pas. Si tu n’arrives pas en te positionnant de façon sexuée, on ne te répond pas de façon sexuée. On se tient plus à tes compétences qu’à ton image. Il y a de plus en plus de meufs actrices dans ce milieu, qu’elles soient journalistes, rappeuses, DJ… et finalement plus y’a de meufs, et plus y’a de meufs. C’est exponentiel. Avant, les femmes devaient choisir entre le rap ou le RnB, maintenant je trouve que Rêverie ou Tommy Genesis ou Princess Nokia par exemple ont su exprimer leur sensibilité sans se soucier des codes. Elles ont leur place, de nouvelles choses à dire, elles ont une violence aussi qui est vraiment « sourde » parfois, assumée chez d’autres. C’est violent, et j’adore l’efficacité de la violence d’une femme. C’est des millénaires de soumission qui ressortent.


Comment tu vois le futur de cette scène féminine ?


On est vraiment prêt à casser les barrières, donc les femmes et tous les freaks qui n’osaient pas s’aventurer en terre hip hop commencent à émerger et faire bouger le genre. Si je prends l’exemple de Tommy Cash, c’est un OVNI : il a pas de gueule, il a pas les codes, il chante dans une autre langue que personne comprend. Il arrive avec Winaloto et tout le monde crie au génie. Y’a une générosité renouvelée dans toute cette planète hip-hop. Il y a tellement de monde que si tu n’es pas unique, si ton projet est mal ficelé, si il n’y a pas d’identité, ça ne peut pas marcher. Les gens ont besoin de s’attacher à une gueule, à un personnage et à une énergie particulière. Cela ouvre aussi la voie à tout ce qui est hip hop queer : Tyler The Creator, Frank Ocean, Zebra Katz, Cakes Da Killa… cet « gay-isation » du hip hop fait émerger des Eddy de Preto en France. KillASon, Kiddy Smile, So Loki etc. Cette trap queer est en train d’arriver, je la défends beaucoup dans mes sets, j’aime que la notion de genre s’efface. On veut des performers, généreux dans leur interprétation, qui donnent une vision moderne de la poésie et qui ont des prods qui sortent de l’ordinaire. Pour moi c’est ça le hip-hop de demain… tout le monde y a sa place.



Merci à Maevol pour sa sympathie et sa disponibilité. Vous pouvez retrouver toute son actualité et suivre ses prochains projets sur Facebook & sur Soundcloud.

Vous pourrez également retrouver la playlist de Maevol sur notre site. (Accueil>Playlist)

Merci à Docteur Von Wild pour les photos.





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