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L'interview du mois x Bololipsum

Ce mois-ci nous avons rencontré Bololipsum à l'occasion de la sortie de son nouvel album "t.e.e.l.f". Compositeur de musique éléctronique, hacker et court-circuiteur sonore, Bololipsum intrigue par le choix de ses instruments. Il se défini comme un chasseur cueilleur qui fait avec ce qu’il trouve, travaillant à l’économie de moyen il récupère et détourne des jouets électroniques sonores qu'il utilise ensuite dans ses créations. Son instrument favori ? Sa gameboy, avec laquelle il produit l'essentiel des mélodies et des lignes de basses de son album. De quoi attiser notre curiosité...


Quand et comment tu as commencé à t’intéresser à la musique électronique ?

Mon premier contact avec la musique électronique à proprement parler c’était avec les disques de mon grand frère, mais avant ça j'ai très tôt écouté du hip-hop. Petit j'ai appris le solfège et la trompette puis j’ai commencé à faire de la guitare quand j’étais ado et j’en joue toujours mais des bons guitaristes y’en a plein alors un guitariste de plus... J’ai toujours fait de la musique en école de musique ou dans ma chambre, j’ai toujours composé des trucs. C’est quelques années plus tard quand j’étais étudiant aux beaux arts que j’ai commencé à faire de la musique avec des objets électroniques.


Tu dis que des guitaristes il y’en a plein comme si tu avais le désir de jouer avec un instrument unique, c’est le cas ?

C’est clair, tu as complètement raison. C’est très important. Je pourrais plus ou moins faire une

musique équivalente avec Ableton Live, mais je préfère travailler sur des machines que sur des ordinateurs, même si je programme aussi des synthétiseurs sur ordinateurs, j’en utilise sur scène, mais je préfère avoir une matière. Du fait d’avoir un instrument que je fabrique, je sais comment le réparer et comment il fonctionne.

Qu’est ce que le circuit-bending ? Comment tu as découvert cet univers ?

Tout simplement sur Internet, merci Youtube, au départ ça consiste à ouvrir un jouet d’enfant, mouiller ses doigts, appuyer sur le circuit, essayer de trouver des court-circuits, en fait c’est une approche complètement empirique de l’électronique.

J’ai toujours été fasciné par l’électronique et les machines qui font du son. Petit à petit j’ai commencé à fabriquer des choses plus complexes et à fabriquer des objets que je pourrais jouer en live. Je court-circuite des objets sonores, comme des jouets d’enfants, mais aussi des boites à rythmes qui donnent un son particulier. J’ai aussi une Gameboy pour les lignes de basses et la mélodie. On est quand même dans une approche conventionnelle électronique mais avec des outils trafiqués.

C’est ton instrument favori la gameboy ?

Ce que j’aime dans la gameboy c’est le son brut, c’est un pur synthétiseur avec une saturation naturelle. Toutes les lignes de basses qu’on entend sur l’album, c’est la gameboy, plein de gens ne s’en rendent pas compte mais ça peut sonner vraiment bas une gameboy.

Un autre de mes instruments principaux c’est la table de mixage, là où on est vraiment dans la musique électronique c’est que je mixe vraiment, je vais mélanger les sons, je vais les transformer, pour moi c’est un instrument de musique à part entière.

Comment tu définis ta musique ?

C’est de la musique traditionnelle du futur. Je sais pas si c’est vrai mais je trouve ça drôle de le dire comme ça. Est-ce que les sons sont si anciens que ça ? Pour ceux qui connaissent la 8-bit, ce que je fais ne sonne pas du tout 8-bit. J’ai rien contre mais c’est pas mon terrain de jeu. J’aime ce qui est noise, ce qui grince, j’adore aussi le groove du hip-hop, de la musique afro-américaine. L’idée c’était de mélanger un peu les deux.

Tes influences hip-hop se ressentent dans tes rythmes non?

En effet c'est dû au tempo qui tourne souvent autour de 90bpm, et au fait que les temps forts sont plus sur la caisse claire que sur la grosse caisse, contrairement à beaucoup de musiques électroniques.


Comment on prononce l’acronyme « t.e.e.l.f » ?

Tu peux l’épeler « t.e.e.l.f » ou « tilf » ou « telf ». C’est de l’espagnol, c’est l’acronyme du morceau qui s’appelle « Todo Esta En Las Fuentes. », ça veut dire tout est dans les sources, tout est dans les fontaines. Ça fait penser à la fontaine de Jouvence, la jeunesse, au code source des machines aussi, c’est le mélange du mystique et de la technique.


Ce mélange entre mystique et technique on le remarque aussi sur ta pochette où l’espace donne une dimension mystique et l’astronaute une dimension plus technique, d’où t’es venue cette idée ?

Je suis un grand fan de 2001 l’odyssée de l’espace. La main qui touche la planète c’est un peu la main qui se tend vers le monolithe dans le film.

J’aimerais qu’on s’attarde un peu plus sur la pochette de ton CD, l’album est présenté dans une pochette triangulaire, comment tu l’as pensé ?


Je me suis posé la même question qu’avec les jouets, à savoir comment avec une économie de moyen je fabrique un bel objet. Par exemple si tu veux avoir plein de synthétiseurs pour faire de la musique électronique ça coute très cher. Dès que tu commences à les fabriquer, ou à récupérer des jouets qu’on te donne tu peux obtenir un super son, et dans cette logique là tu te fabriques des trucs originaux et qui sonnent très bien. Ça n'a pas a rougir face à une drummachine ou une MPC. C’est un exemple d’une économie de moyen qui va vers le qualitatif.

Si ce n’est pas indiscret, la fabrication est entièrement « Made in France » ?

Nos pochettes vinyles sont sérigraphies à Saint-Gilles, les CD sont pressés en Normandie et les vinyles sont faits en Bretagne ! Ça pourrait coûter moins cher mais c’est de l’édition limitée, façonnée à la main, ça donne du cachet à l’objet et ça fait aussi partie d'une démarche de micro-édition qui privilégie le local dans la mesure du possible.

Je me suis toujours demandé comment dans la musique électronique on titrait ses morceaux, peux-tu m’éclairer ? D’où viennent tes titres ? Ce sont des images ? Des ambiances que tu aimerais traduire ?

Les titres renvoient à l'univers spatial essentiellement. C’est toujours très compliqué de titrer ses morceaux. Les titres vont raconter ce que la musique ne raconte pas, comme l’image va le faire. Le visuel de l’album pose les bases avec ce voyageur de l’espace, puis le premier morceau s’appelle Laika, c’est en référence au premier chien qu’on a envoyé dans l’espace.

Le deuxième morceau s’appelle « illi », c’est un palindrome et il y a une vidéo qui accompagne ce titre qui joue sur de la symétrie visuelle avec des images d’un documentaire de la NASA qui date de 1968. « Ami Tomaké », c’est un morceau qui utilise les même motifs rythmiques que « illi », ils se trouvent de part et d’autre du vinyle, là aussi y’a ce jeu sur la symétrie. « Ami Tomaké » ça veut dire « j’aime » en Benghali. J’ai commencé à le composer en Inde pendant une tournée. C’est un clin d’oeil aux gens que j’ai rencontré là bas.

« Peace, Love & Cueillette », c’est une référence à la devise hip-hop « Peace, Love, Unity & Having Fun » et la cueillette c’est parce que je me définis comme un chasseur-cueilleur, je suis pas dans l’ingénierie, je crée rien, je suis dans le bricolage, je me sers de l’existant. Je minimise mon impact sur mon environnement, je suis pas dans la fabrication. Mon invention s'il y en a une n’est pas de l’ingénierie c’est de la trouvaille, de la cueillette.

C’est ton premier album, sur ton propre label Hapax qui plus est, pourquoi avoir fait ce choix ?

A la base le label répondait à une question de logistique. Je voulais sortir un premier EP, pour ça j’ai monté une campagne de crowdfunding et j’avais besoin d’une structure. Parallèlement j’avais ce projet de monter une espèce de laboratoire sonore qui chapeauterait différents projets, et c’est ce que c’est devenu même si c’était pas l’idée de base. On intègre petit à petit d’autres artistes. L'idée c'est de construire un réseau de personnes dont les projets se répondent.

J’allais justement te poser la question, quels sont les autres artistes du label Hapax ?

Il y a « DeNuit », un groupe toulousain qui fait de la musique électronique avec du chant et des machines, krautrock et techno, avec des influences coldwave... leur nouvel album est sorti le 3 novembre. Il y’a aussi « LpLp0 » avec qui on travaille, on a fait quelques dates ensemble, on prévoit de sortir un de ses albums. On va commencer à travailler avec « Natyotcassan », un duo qui mélange poésie sonore et musique électro.

Tu peux nous parler un peu de Bachcha Orchestra ?


Bachcha Orchestra est le volet action culturelle de mon activité de musicien. Je propose des temps de création avec les participants, on donne un ou plusieurs concerts et le résultat de cette création est édité sur le label. On a 2 projets qui sont déjà prêts et qui doivent sortir. On travaille actuellement sur un nouveau projet avec des détenus en maison d’arrêt et un autre avec le Sonambule à Gignac avec qui on a déjà travaillé.

Tu as cette volonté de mixer les publics, d’aller à la rencontre de publics différents ?

Je suis fils d’éducateur donc je pense que ça joue un peu. Mais j’ai une position d’artiste, je ne suis pas animateur socio-culturel. L’idée c’est de défendre des moments privilégiés soit avec des enfants, soit des gens qui sont en rupture et qui sont loin de la production musicale. Ce n’est pas leur quotidien, ils ne sont pas musiciens, ou en tout cas ils ne le revendiquent pas. J’essaie de les guider, de leur présenter des astuces musicales, de les mettre en valeur, et de défendre ce travail comme une vraie production musicale.

Les actions culturelles nourrissent également ta création ?


Je passe mon temps à gérer le label, trouver des dates, faire la promotion, jouer, et en même temps je travaille sur de l’action culturelle. Je vois ces moments comme des temps de résidence où je peux me poser, je fais souvent des découvertes de nouveaux sons que je ré-injecte dans mes projets solos donc effectivement ça nourrit ma création.



Vous pouvez suivre toute l'actualité de Bololipsum sur son Twitter, son Facebook, et sur son site web.

On se quitte en musique et en image avec "Peace Love & Cueillette"

Vous pouvez retrouver ce morceau ainsi que l'intégralité de l'album sur le bandcamp de Bololipsum.


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